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Boris Mauboussin
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Hello folks !

Voici la suite de mes 4 jours passés aux FPS d'Enghien-les-Bains

 

Vendredi 18 Décembre
9h30

Le réveil est difficile. Je me suis réveillé deux fois dans la nuit et je sens que qu’il me manque du sommeil. Je m’habille casual, et sors de l’hôtel par la porte de devant pour prendre l’air. La vue du lac d’Enghien est parfaite pour le réveil, et je vais marcher pendant quelques minutes. A mon retour, je croise un croupier avec qui j’ai sympathisé la veille, nous prenons notre petit déjeuner ensemble.

11h30

Arrivée en salle de tournoi, vide. La fourmilière d’hier est dans son état le plus calme. Les floors que nous croisons nous saluent

« Ca va ce matin ? »
« Très bien et vous ? »

Lucille Denos nous fait un débriefing rapide de la veille. Elle nous rappelle de bien annoncer les numéros de table quand nous appelons un floor et nous amende sur quelques incidents isolés. Dans l’ensemble ça a bien fonctionné, elle ne le dit pas, mais on sent qu’elle n’est pas inquiète pour la suite de l’événement.

Nous arrivons au DC.

« Il y a eu des soucis de push hier, des croupiers qui ne sont pas fait relever, d’autres qui sont partis en pause alors qu’il auraient dû rester. Maintenant quand vous sortez de table, vous venez me voir. Je suis désolée pour les anciens qui savent bien comment ça fonctionne, mais on est obligé de faire comme ça si on veut que tout marche comme prévu »

« Alors aujourd’hui on va avoir une grosse journée, ou ouvre le Day 1B du Main Event, en début d’après-midi on aura la Cup, des SNG, ce soir Satellite pour le High Roller, le Day 1C du Main Event et un autre Satellite pour le High Roller. »

[…]

« Boris »
« Oui »
« Tu m’ouvres la 32 »
« Ok »

Je suis à l’autre bout de salle, juste à côté de la table TV qui sera inoccupée jusqu’au Day 2. Pendant le trajet, je pense au cas où je devrais pusher en table TV, je pense que je refuserai parce que je ne me sens pas du tout à la hauteur et que je ne voudrais pas porter préjudice à PokerStars, ni au Groupe Barrière. Après coup, je me dis qu’il y a sûrement une sorte de liste de croupiers aptes à dealer en table TV composée d’anciens très expérimentés. La probabilité de donner à cette table est très faible, je me sens rassuré.

Je m’installe à la 32. Je prépare mes stacks, mes cartes. Laurence, une joueuse rencontrée deux ans plus tôt s’approche de la table avec son appareil photo, nous échangeons quelques mots, elle m’indique qu’elle tentera de se qualifier pour le Day 1C via un Satellite. Je lui souhaite bonne chance. Elle fait une photo.

Les joueurs arrivent, je fais les vérifications d’identités et fais signer les autorisations de diffusion. Je jette un coup d’œil sur les autres tables et je me rends compte que sur cet événement, je ne connais le visage de personne à part Abou Sy et Céline Bastian à qui j’ai déjà donné les cartes 1 an plus tôt.

« Bonjour à tous, et bienvenue à ces FPS d’Enghien-les-Bains » tonne la voix accentuée de Lucille Denos dans les enceintes. Quelques recommandations faites aux joueurs et aux croupiers.

« Shuffle up and deal ! »

1 niveau passe, je suis relevé. Mon push se passe sans encombre, je pars en pause.

Arrivé dans la salle des croupiers, je me souviens que j’ai laissé ma cigarette électronique à l’hôtel parce que j’avais oublié son chargeur chez moi. Du coup, j’ai des cigarettes dans la poche et je prends un café et j’accompagne quelques croupiers à la terrasse fumeurs. L’ambiance est décontractée à l’extérieur, on discute surtout de poker, d’expériences passées et de joueurs connus. Je me sens un peu appartenir à l’équipe.

Un croupier « Il est l’heure ? »
Un autre « Il nous reste 6 minutes »
Le premier « Ça va on est large »

Retour au DC

« Boris »
« Oui »
« 21 – 23 – 25 »
« Ok »

Je plonge dans l’allée principale à la suite des croupiers me précédant, salue les floors que je croise, et contemple la salle pendant le trajet. J’aperçois la 21, tapote légèrement l’épaule de la croupière en place.

« Après le coup, la main passe »

Regards, sourire, hochement de tête

La croupière se lève souriante et à l’air d’avoir passé un bon moment à la table, ça me rassure.

« Bonjour Messieurs Dames »
« Les blinds sont à 100/200 ante 25 »

Le siège 5 est libre, il me reste un stack.

Au siège 1, une joueuse récupère les antes du bout de table et les place près des logos FPS. L’ambiance est décontractée, 2 joueurs parlent beaucoup entre eux d’un bout à l’autre de la table. A la troisième main, un joueur charismatique avec un logo RankingHero arrive à la table pour prendre le siège 5.

« Ah Bruno, ça fait plaisir de te voir » lance le siège 8
Le joueur sert la main du siège 4, puis du siège 8 et salue la joueuse au siège 1. Je procède à la vérification d’identité.

Siège 5 : @Bruno Fitoussi 

A partir de ce moment, il fera un peu de spectacle en parlant fort à la table tout en restant courtois. J’ai un peu de mal entendre les annonces des joueurs, je me concentre pour faire abstraction de leur conversation.

« Je ferme mon restaurant en 2016, il faut que tu viennes manger avant » lance le siège 8 au siège 5
« Ah mais si je viens, c’est pas pour venir te voir, c’est pour manger »

Rires de la table, je ne devrais pas voir de problème. Néanmoins ce joueur au siège 8 m’intrigue, j’ai l’impression de le connaître, de l’avoir vu dans une émission.

Je vérifie discrètement son ID Media Card visuellement.

Siège 8 : Joseph Carlino

Un autre joueur m’intrigue, au siège 4. Gros casque sur les oreilles, logo PokerStars sur sa veste bleue, très à l’aise, discute beaucoup avec les sièges 1, 5 et 8. Je le retrouverai sur le High Roller le lendemain.

Siège 4 : Julien Brécard

Nouvelle main, je mélange mon paquet et vais pour placer ma carte de coupe au centre de la table, elle ne se trouve pas à l’endroit où je la mets habituellement pendant le mélange, je tatonne rapidement avec ma main gauche sans regarder, puis fini tout de même par me rendre compte qu’elle n’est plus là. C’est la joueuse 1, croupière de profession qui joue avec.

« Puis je récupérer ma carte de coupe, s’il vous plaît ? »
« Oh excusez-moi, un vieux réflexe »

Je lui souris, place le paquet devant elle

« Vous voulez donner à ma place ? »

Rires polis de la table. Elle me rend ma carte de coupe.

Avoir un croupier qui joue à sa table est une situation particulière. Vous devez être au top en permanence, sans quoi il y a un risque qu’il vous reprenne et qu’il discute les règles avec vous. Le cas s’est présenté plusieurs fois dans le tournoi, mais ce jour-ci, le siège 1 était une joueuse comme les autres.

« Messieurs, Dames, la main passe »

[…]

Retour au DC après la pause

« Sur la Cup, Boris tu ouvres la 64 »
« OK »

Nous partons en Salon Deauville, la deuxième salle de tournoi où se trouvent les tables 61 à 72. C’est une petite salle plutôt calme, aux plafonds bas. Les tables sont différentes, elles sont un peu plus hautes, plus petites et le tapis n’est pas fabriqué dans la même matière que dans la grande salle. Les joueurs arrivent. Vérification identité.

« Shuffle up and deal ! »

Le tapis ne glisse pas du tout. Ma donne à la française est désastreuse, les cartes s’arrêtent au milieu de la table, je dois les pousser à nouveau, je perds du temps. Les joueurs misent, je récupère les jetons : même constat. Ce push va être long.
Je décide de changer de donne et de passer au pitch, ou l’américaine. Seulement, mon pitch n’est vraiment pas bon et absolument pas stable. Il y a une forte probabilité de carte retournée pendant la donne. Je tente quand même le coup en essayant de me concentrer un maximum pendant la donne. Grande frayeur au moment où une carte atterrit sur le bouton qui avait été déplacé par un joueur pendant la donne. La carte rebondit, tremble et vacille en même temps, je pense à cette fausse donne qui serait ma première erreur du weekend. La carte atterrit finalement entre les mains du joueur. Il me regarde en souriant :

 « La classe »

Je souris à mon tour :
« C’est un métier »

Sourires de la table.

Oui, les croupiers aussi passent des bluffs.

Ce push me semble interminable, je suis finalement relevé à ma quatrième table et je pars en split dinner break, soit une pause de deux heures pendant laquelle je dois manger. Il est 17h30. En salle de pause, un croupier demande si on a besoin de cigarettes, je pars en chercher avec lui. Ca me fera me dégourdir les jambes et prendre l’air. Nous discutons pendant le trajet de notre expérience. Lui fait ce travail depuis quelques années déjà et voyage aux quatre coins de l’Europe. Il a une excellente connaissance du circuit et son récit est passionnant. Malgré sa forte expérience, il est très accessible, serein, on sent bien qu’il aime ce qu’il fait et qu’il cherche toujours à tirer les choses vers le haut. Nous nous retrouvons sur beaucoup de sujets, l’idée de faire ce métier en itinérance pendant quelques temps germe en moi. Je lui pose beaucoup de questions, ses réponses me conviennent. Ca y’est, j’ai envie de partir aux quatre coins de l’Europe avec lui et de sillonner les plus beaux tournois. Certes ça servirait l’objectif que je me suis donné, mais là c’est autre chose, je crois que j’ai vraiment envie de vivre cette expérience pendant 1 ou 2 ans.

Nous rentrons à l’hôtel et dînons avec les autres croupiers. A la fin du repas, il nous reste 30 minutes. Je monte dans ma chambre m’allonger pendant 15 minutes.

Pendant le trajet pour retourner en salle de tournoi, j’entends des joueurs parler d’Elky. Me souvenant d’un tweet qu’il avait posté 2 jours auparavant vantant la magie de passer Noël à Prague avec son amie, je n’avais pas pensé une seule seconde qu’il puisse être ici. Et apparemment si.

Elky est un monument pour moi, j’ai connu son nom lorsque j’étais dans l’événementiel jeux vidéo en 2002. Il a été le premier joueur français de jeux vidéo à obtenir un statut professionnel en Corée du Sud. Il représente la combativité à l’état pur, le fait de faire ce qu’il faut pour suivre ses rêves. C’est un symbole pour ma génération. Je ne l’ai approché qu’une seule fois, c’était lors des World Cyber Games France Qualifier en 2002 à Levallois Perret. Je fumais une cigarette dans un espace fumeur et il était là. J’étais tétanisé, j’étais incapable de lui parler. Et puis, lui parler de quoi ?

 

Retour en salle tournoi, direction la DC. Sur le trajet, je scrute les tables pour voir si j’aperçois Elky. Je vois une tête aux cheveux décolorés au loin à la table 21, une veste blanche, des lunettes de soleil. C’est lui, il est bien là. Il est sur la table de Bruno Fitoussi, Julien Bréquard et Joseph Carlino. J’aurais peut-être une chance de lui donner les cartes dans le weekend.

« Boris - 45 à 48 »
« Ok »

Satellite pour le High Roller, les joueurs sont concentrés, peu de discussion à table. Un joueur arrive. Il parle beaucoup, m’appelle chef en permanence, et râle en continu contre les croupiers. Cela à tendance à m’agacer, mais je ne dis rien. Le jeu se passe sans encombre. A un moment un floor dépose un boitier à côté de moi sur la table sans rien me dire. Je ne sais absolument pas de quoi il s’agit, je n’ai lu ça nulle part dans le Dealer Guidelines qu’on nous a fourni. Je me pose beaucoup de questions. Dois-je faire quelque chose ? Je regarde autour de moi pour voir si d’autres tables ont reçu ce même appareil. Les autres tables du Satellite sont derrière moi, je ne vois que des tables vides. Je me dis que si je devais faire quelque chose de spécifique, on viendrait me voir. J’oublie ce boitier. J’apprendrais plus tard, que les floors déposent ce boitier sur les tables au moment où l’ITM est proche et que ça leur permet d’enregistrer les conversations à table en cas de deal entre les joueurs.

Fin du push, je pars en pause

En salle de pause, c’est très calme, il y a une vingtaine de croupiers, mais personne ne parle. Il y a beaucoup de fatigue qui s’est installée et cette journée est dure pour tout le monde, comme prévu. Certains ont travaillé sur l’EPT Prague juste avant et n’ont pas vraiment eu le temps de souffler avant d’arriver aux FPS. Je sors pour allumer une cigarette.
Je rentre dans le bâtiment et aperçoit Lucille Denos au loin, je me dirige vers elle. Je lui rappelle qui je suis, et la remercie de m’avoir fait confiance pour ces FPS, elle me propose de travailler avec eux au BPT de Bordeaux. Je la remercie à nouveau, et lui assure de lui donner une réponse dans les 3 jours. Je retourne en salle de pause.

Sur le chemin, je le vois. Mais que fait-il là ? Il a l’air perdu avec son immense sac à dos. Elky est dans les couloirs du Spark à côté du Salon Deauville.

« Vous cherchez quelque chose ? »
« Oui, la table 73 »
« C’est pour quel tournoi ? »
« Le Day 1C »
« Oui, c’est en salon Deauville juste ici »

Un floor arrive
« Ah Bertrand, comment ça va ? »

Je retourne en salle de pause.

[…]

Retour au DC

« A 22h on ouvre le Day 1C du Main Event en salon Deauville, on fera des push de 4 tables »
« Boris 69 – 70 – 71 – 72 »
« Merci »

Je récupère les jetons à la Chiproom, les pochettes plastiques pour les ID des joueurs, un bouton dealer et deux triangles All-in. Je pars en salon Deauville. Je prépare mes stacks, mes cartes, reçoit les joueurs, vérification d’identité.

« Shuffle up and Deal ! »

Je donne quelques mains et d’un coup, sur la table juste devant moi, il est là, au siège 6. Lorsque je me ferai relever, je donnerai les cartes à Elky. Je regarde le numéro de la table en question : 68. J’ai peur d’un coup, je regarde mon numéro de table en étant quasiment persuadé de ce que j’allais lire : 69. Perdu. Tant pis, je pourrais au moins dire que je l’ai vu jouer.

Le break arrive. Je suis en table 71. Quasiment tous les joueurs sont sortis de la salle sauf à la 68. Un coup est en cours Elky est à tapis.

J’arrive à apercevoir le board

23Q 8 6

Elky a overbet shove environ 5K pour un pot de 2K+ au niveau 8 (300/600 Ante 75), son adversaire doit tout mettre pour payer, il a environ 4K devant lui. Je n’entends pas bien ce qu’ils se disent, mais Elky finit par lui lancer avec un air un peu agacé

« Je vais pas mettre 5000 en bluff pour gagner 2000 »

Je pense instantanément à speech play, ici il joue le joueur et il veut le faire payer. Il utilise son image de joueur pro. Il sait que dans ce genre de tournois, il est une cible et que beaucoup de joueurs vont vouloir jouer des mains contre lui et faire le hero call qu’ils pourront raconter. L’adversaire finit par payer, Elky montre 2 paires Q8.

« Un sortant table 68 »

Je suis relevé pendant le break. Je retourne au DC

« C’est bon tu as fini »
« Ok, à demain ! »

Je rentre à l’hôtel sans traîner. Même rituel que la veille, douche, lobby, décompression, méditation. Je remonte me coucher 45mn plus tard. Je m’endors encore une fois sans problème, à nouveau très content de ma journée.

 

To be continued...

#FPSEnghien #croupier