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zebezt
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#BPTAA

DANS LA TETE D'UN HERO :

 

1/ Environnement et contexte relatif à mon adversaire :

Mon adversaire joue très serré. A t-il connu un désert de cartes lui interdisant tout move hasardeux ou bien redoute-t-il de ne pas rentrer dans l'argent ? Puisque j'ai les nuts absolus et que j'ai une minute à tuer, en faisant semblant de réfléchir à mes cartes je vais réexaminer mon adversaire une nouvelle fois de pied en cap afin de trouver de nouveaux indices me permettant de déterminer l'impact de la bulle sur son jeu. Il a 20 blindes, il sait qu'il ne doit pas faire n'importe quoi : il a vraisemblablement une main très solide.

 

2/ Environnement et contexte personnel :

J'ai conscience que j'ai acquis une image de joueur serré qui va plutôt jouer contre moi, puisque donnant de la crédibilité à mes mises. Par ailleurs, à une place de la bulle, aucune sortie hasardeuse sur le champs de bataille n'est permise autrement que lourdement armé. Il n'a que peu de marge de manœuvre, mais j'en ai guère plus que lui. Il peut toutefois me soupçonner d'user du différentiel de stack en ma faveur afin de lui mettre la pression en misant tout du long sans forcément avoir touché.

 

3 / Son éventail de mains potentielles :

a) Celles qu'il n'a probablement pas : AA – KK – QQ – Ax. Il ne peut avoir aucun as et je considère qu'il aurait vraisemblablement fait tapis ou surrelancé s'il avait eu KK ou QQ.

b) Celles (5) qu'il risque d'avoir et que je souhaiterais qu'il ait parce que je suis en bonne posture pour le saigner : 77 – JJ – TT – 99 – 88

c) Celles (5) qu'il serait intéressant qu'il ait mais qui vont le conduire à faire preuve de prudence : 66 – 55 – 44 33 – 22

d) Celles (5+) que je ne veux pas qu'il ait car les chances qu'il investisse de nouveau dans le pot sont dérisoires : KQ – KJ – JQ – KT – JT – autres

 

4 / Mon éventail de mains tel que mon adversaire peut se le représenter :

Il est plus large que le sien. En sus de l'intégralité de son éventail à lui je dois y ajouter les premium ainsi que quelques mains spéculatives (bien que ces mains spéculatives ne soient désormais plus trop crédibles au regard de ma passivité à la table).

a) Celles (10) qu'il est envisageable que je possède : AA  KK – QQ AK AQ – JJ – TT – 99 – 88 77

b) Celles (10) qu'il est concevable que je possède : 66  55 44 – 33 – 22  AJ AT KQ – KJ - QJ

c) Celles (une poignée) que je pourrais avoir mais que mon adversaire doit juger improbables vu mon profil et le moment où le coup se dispute : quelques connectors suités, K10 et quelques As suités.

Ceci étant, mon adversaire ne devrait pas considérer trop sérieusement cet éventail de catégorie c) ... sauf s'il a identifié que son profil était trop passif et que je viens de sortir de mon hibernation avec l'envie de grignoter quelque chose.

Sur les 25 mains environ que mon adversaire peut me suspecter de posséder, il y en a 8 environ qui le mettent en mauvaise posture avec ce flop (AA – AK – AQ – AJ – AT – Ax – Ay – 77). Il  peut donc penser que je suis largement devant dans un cas sur trois environ, voire un petit peu plus s'il considère que ma main est dans la catégorie a). Ca lui laisse près de deux chances sur trois d'espérer le contraire...

 

5) Analyse de la situation post-flop et ambitions :

L'objectif n'est pas de le destacker totalement, mais de lui soutirer le plus possible de blindes. Il serait illusoire d'espérer tout lui prendre à ce moment du tournoi : cela ne sera possible que s'il touche un full ou s'il commet une erreur grossière. Il a envie de préserver ses jetons et de franchir la bulle. Les chances pour qu'il puisse toucher un full étant faibles, on doit envisager comme principal plan de le ponctionner de quelques blindes, jusqu'à la moitié de son stack. Un objectif de délestage de 8 à 12 blindes est donc ici choisi comme option première.

 

6) Gestion du flop :

Je ne pense pas que checker au flop soit une bonne idée, car il y a 2 chances sur 3 environ (10 mains potentielles sur les 15 identifiées) pour que le joueur en face ait en réalité une paire servie et qu'une ouverture de ma part après le flop soit suivie en dépit de deux as dissuasifs sur la table. Le tout est de lui donner une illusion de cote mathématique pour qu'il paye.

Mon intérêt est de le motiver à aller voir le turn et la river. Mais ni gratuitement (dans 2 cas sur 3 il peut espérer gagner le coup) ni trop cher (mon éventail de mains incluant assez fréquemment la présence d'un as). Je vais miser non seulement pour commencer à valoriser ma main dès à présent, mais aussi pour en masquer la surpuissance. Tout joueur opportuniste miserait sur ce flop propice au bluff dès lors que l'on soit à l'initiative du coup. En misant, je veux qu'il me soupçonne de bluffer, tout comme je souhaite lui proposer une cote mathématique acceptable si tant est qu'il considère que je ne bluffe pas. Surtout s'il a une paire servie en main et qu'il espère obtenir un full qui battrait alors tout brelan d'as. Je vais donc miser le tiers du pot (2,5 blindes environ).

Il ne me reste plus qu'à espérer que son éventail de mains se situe bien dans la catégorie b) ou c), afin qu'il fasse le call. Un floating de sa part avec une main de catégorie d) à ce moment du tournoi est peu probable mais il peut tenter le coup afin de vérifier que mon c-bet ne constitue pas un bluff, ce qui pourrait être le cas si je freine mon action à partir de la turn.

 

7) Gestion de la turn :

Il a payé mon c-bet. Puisque je considère qu'il possède une main de type b) ou c), je vais espérer que la turn lui fasse plaisir avec un J, un T, un 9, ou un 8. Mais surtout pas un K ou Q, ni même un 7.

S'il touche full à la turn ou à la river, c'est bien entendu game over pour lui, je considère qu'il va faire tapis à un moment ou à un autre et l'affaire est réglée. Dans le cas contraire, il va me falloir trouver un moyen de gratter davantage.

Indépendamment de la carte qui va tomber à la turn, le moment est venu de brouiller les pistes avec un peu d'acting. Je vais rester impassible un moment après son second check. Je vais le regarder et lui demander en levant un sourcil : « tu as touché ton brelan ? ». J'emploie à dessein « ton brelan » plutôt que « le brelan » afin qu'il pense que je puisse le considérer armé d'une main potentiellement supérieure à la mienne. Je vais temporiser une minute, afin de lui laisser le temps de cogiter et de bipolariser un peu son ressenti de ma main.

Puis, je vais faire une mise volontairement basse, de trois blindes. Peut-être même deux blindes seulement si la turn est un K, un Q (car je considère ce que sont deux cartes qu'il n'a pas, tandis que lui-même envisage fortement la possibilité que j'aie KK ou QQ) ou même une seule blinde et demi si la turn est un 7 (qui lui donne une chance de faire carré mais qui neutraliserait toutes les mains de catégorie c)). L'idée est non seulement de lui donner une nouvelle fois l'illusion d'avoir encore une cote mathématique intéressante, mais aussi de simuler un début de faiblesse de ma part. Ca peut lui faire germer l'idée qu'il disposera d'un spot de bluff à la river.

Je brade ici la valorisation de ma main car j'ai un plan qui inclut une valorisation jusqu'à la river incluse. Aucun regret si mon adversaire abandonne le coup ici et fasse le choix de préserver ses jetons pour être ITM.

 

8) Gestion de la river :

L'opération grignotage touche à sa fin. Il reste environ 12 à 13 blindes à mon adversaire. Face à un nouveau check de sa part, s'il possède juste une pocket paire, je peux envisager de lui soutirer quelques blindes supplémentaires.

La manière dont j'ai construit le pot lui laisse une petite fenêtre de tir pour qu'il puisse tenter un bluff de kamikaze... Pour y parvenir, et plutôt que de simuler un arrachage, le moment est venu d'afficher un petit sourire satisfait et confiant avant de miser. Donner un signal de force à ce stade après avoir fait cogiter mon adversaire sur la possibilité inverse à la turn devrait l'aider à bâtir un raisonnement suffisamment bancal pour qu'il commette une erreur.

Ma mise standard river sera de 4 blindes. Mais si turn et river ont révélé une ou deux cartes hautes (K, Q, J) ou bien un 7, je miserai 3 blindes seulement, sa pocket paire potentielle étant désormais battue à plate couture par une trop grande partie de mon éventail de mains. Si turn et river ont révélé deux petites cartes (2, 3, 4, 5 ou 6) je vais au contraire ajuster ma mise jusqu'à 5 blindes, en espérant qu'il paye avec une pocket paire supérieure.

 

9) Epilogue :

Dans tous les cas de figure, ce coup me permet de valoriser ma main monstrueuse par paliers et de délester en douceur mon adversaire de quelques blindes, tout en lui permettant de commettre l'erreur fatale s'il touche un full ou s'il est persuadé de me croire en bluff.

S'il couche sa main sans abattage, j'éviterai de montrer mes as, mon image étant déjà suffisamment solide. Sauf si les blindes ainsi récupérées me donnent l'idée de changer mon comportement à compter de ce coup : il se peut que j'aie désormais pour ambition voler les blindes jusqu'à éclatement de la bulle. Auquel cas, je montrerai mon carré d'as avant restitution de mes cartes au croupier.

c'est un beau récit hyper complet

vite un aspro 

 

Afin d'éviter de fatiguer les lecteurs, j'ai quelque peu épuré mon texte. Ca devrait pouvoir passer même sans aspirine, cette fois-ci.

 

Merci à tous ceux qui ont eu le courage de me lire et de considérer mon analyse de cette main. Ca ne suffira pas mais ça fait quand même plaisir !

Je t'ai lu mais m'as tu lu toi 

excellente analyse man

Merci NoSurrender, ça me fait vraiment plaisir que tu apprécies mon analyse !