Pedro Canali | Las Vegas En Couleur

Laissez-moi vous raconter ce qui est probablement le plus beau moment de ma carrière poker. Attachez votre ceinture, je vous emmène dans mes souvenirs à Vegas en attendant que la promo #VegasHero vous y emmène pour de vrai.

crédit photo @Christophe Luisin

Nous somme le 16 juillet 2010, il est 9h30 du mat heure local et mon réveil sonne. J’ouvre les yeux sur une grande baie vitrée qui donne sur le strip de Las Vegas depuis les hauteurs de ma suite au Caesars palace… On dirait une scène de film. Suis en train de rêver ?

Non, je suis bel et bien qualifié pour le jour 7 du main event des WSOP.

Nous ne somme plus que 90 joueurs encore en course sur plus de sept milles au départ, et demain soir il ne restera que neuf joueurs. Neuf joueurs millionnaires qui reviendront se battre dans 3 mois pour le titre de champion du monde. En ferais-je partie ? On frappe 3 coups secs à la porte, ce qui me sort instantanément de mes rêvasseries de future méga star du poker international et me ramène sur terre. J’ouvre la porte, c’est le room service qui m’amène un café et un ananas frais entier et découpé.

J’ai l’impression d’avoir rêvé ce moment toute ma vie. Depuis que j’ai commencé le poker en tant qu’amateur en 2004, tous ans à la même époque j’ai suivi les coverages des WSOP, je regardais toutes les vidéos et je rêvais, hypnotisé par le cliquetis des jetons, d’y être un jour moi-même. J’avais suivie depuis mon studio à Aix en Provence un an auparavant, le rêve Américain d’Antoine Saout, j’avais cette même année fini 3ème d’un sat online pour 2 tickets, AA vs JJ, impossible d’oublier cette main, ce maudit Valet river.

Et la, pour la première fois, j’y étais. Pour de vrai.

Les yeux dans le vague, tout en buvant machinalement mon café imbuvable, je ne peux m’empêcher de sourire en repensant au coup de l’avant-veille qui me fait passer la barre du million de jeton et chip leader Français à la fin de la journée, coïncidence marrante, jour de la fête nationale.

Il est 11h30 et je descends du taxi, frais et dispo. Il fait 40 degrés et me prépare déjà à recevoir le choc thermique comme tous les jours lorsque je vais pousser la porte d’entrée du Rio. Je monte les quelques marches qui mène jusqu'à la « poker entrance » du casino, et la, pas un chat alors que cet endroit grouille de joueur depuis 3 mois. Je n’y prête même pas attention, je suis concentré et j’ai hâte d’arrivée dans l’Amazon room et d’ouvrir mon sac de jetons. Je pousse la porte d’entrée du casino et je ne fait même pas attention au moins 30 degrés que je viens de subir, je marche d’un pas décidé le long de cet interminable couloir et je me sens bien.

Prochaine porte à gauche et j’y suis. Tout en marchant je fixe des yeux mon ticket avec ma place écrit dessus : Table 7 seat 4. Je lève les yeux devant l’entrée de l’Amazone Room et c’est la que j’ai ressentie une des sensations les plus fortes de toute ma vie. J’ai devant moi une salle immense, une salle gigantesque à l’Américaine comme on en trouve pas en France, un salle que j’ai vue remplie à ras bord tous les jours depuis 23 jours, avec plus de deux cents tables, plus de deux milles chaises, plus de deux milles joueurs, des centaines de journalistes et de supporters. J’ai cette même salle sous les yeux, sauf que cette fois, elle est complètement vide.

Pas complètement, il reste 10 tables, 10 croupiers, 90 chaises et un floor. Le tout doit prendre moins de 5% de l’espace de cette salle mythique où je rêvais d’être depuis tant d’année. Je suis sous le choc, le ventre noué, je suis la, sur le pas de la porte, comme paralysé. Impossible de dire si je ressens de la peur ou de la joie, tout se mélange et le temps est comme figé. C’est uniquement à ce moment la que je réalise réellement ce qui est en train de m’arriver : nous étions 7500 il y a sept jours et il ne reste plus que 89 joueurs à battre.

J’avais beau le savoir ce matin en buvant mon café, je ne réalisais pas vraiment. Au bout de quelques secondes qui m’ont parut des heures je retrouve la force de mettre un pied devant l’autre jusqu'à ma table. J’ouvre mon sac de jetons et pour la première fois de ma carrière, j’ai les mains qui tremblent…