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Nicolas Levi
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Davidi 'Le Génie' Kitai: Je ne me considère pas comme étant 'un génie'

Interview exclusive par Nicolas Levi


Davidi Kitai, trois bracelets WSOP. Retrouves-tu la sensation de la première fois? L’hymne Belge dans l’Amazon Room, est-ce toujours aussi fort?

Chaque victoire me procure une sensation particulière. Le 1er bracelet avait quelque chose de magique, je venais de rejoindre le team Winamax, et j’avais très envie de prouver à mon sponsor et à mes teammates que j’avais le niveau pour performer sur le circuit international. Le 2ème était celui de la consécration, il m'a permis de prouver que le premier n’était pas le fruit du hasard. Le 3ème avait quant à lui une dimension exceptionnelle du fait qu'il me permettait de rejoindre le cercle très restreint des détenteurs de 3 bracelets et d'être par ailleurs le premier joueur européen à accomplir cela.
La brabançonne qui résonne dans le Rio devant plusieurs milliers de personnes procure une sensation inouïe, j’en ai à chaque fois des frissons... Je suis très fier de représenter la Belgique, et de faire vibrer les nombreux belges qui me soutiennent tout au long de l'année.

Souvent délaissés par les pros, les tells sont ta spécialité. Comment pratiquer et progresser sur ce point? Est-ce qu’ils te sont utiles dans la vie de tous les jours?

De nature, j’ai toujours été très observateur, c’est sans doute lié à ma curiosité naturelle et à mon questionnement perpétuel sur la nature humaine et son fonctionnement.
A la table de poker, j'appréhende constamment le fait de dévoiler trop de tells à mes adversaires. J'ai donc pris l’habitude de faire attention à mes propres réactions, et ainsi de les corriger.
Cette auto-observation m’a beaucoup aidé à trouver des tells chez mes adversaires. Tous les indices qu’on donne à la table de manière involontaire/inconsciente quand on bluffe ou quand on a les 'nuts' peuvent se révéler déterminants dans des situations closes. Précisons d'ailleurs que l’interprétation des tells/comportements ne doit en aucun cas se substituer à la réflexion technique inhérente à chacune de nos décisions, le rôle de ces interprétations ne devenant déterminant que lorsque tous les autres facteurs rationnels ne nous permettent pas de trancher.
Je n’ai jamais étudié la psychologie liée aux comportements humains, j’utilise ma logique de déduction pour analyser l’historique de la partie mais aussi les réactions comportementales de mes adversaires, et j’en tire des conclusions. J'observe par exemple la réaction de mon adversaire lorsqu’il montre le jeu max, et ensuite, lors d'une autre main si je m'aperçois qu'il adopte un comportement radicalement opposé, j'en déduis qu’il doit s'agir d'un bluff.

Ta vitesse de jeu varie selon les joueurs en face, sur cette finale tu fais deux calls gagnants avec hauteur dame très rapidement. Parfois les tells apparaissent au bout de plus de temps. Une shot clock qui limiterait à 30 secondes chaque décision te serait­-elle plus néfaste qu’à tes adversaires? Est-ce une idée qui pourrait apporter un nouveau boom pour le poker?

Pour être honnête, même si je pense qu’une shot clock est une bonne idée pour éviter que les joueurs amateurs ne s’ennuient à la table, c’est clairement un désavantage pour moi; j’ai l’impression que mon cerveau fonctionne lentement, mes neurones mettent du temps à s’activer. Le temps de réflexion étant gratuit, je n’hésite pas à l’utiliser pour être certain de prendre la meilleure décision possible et ainsi éviter de faire des erreurs que je risque de regretter par la suite...

Phill Hellmuth te traite de “Francais fou”, Roberto se demande si tu as vu ses cartes... Involontairement ils t’ont fait de magnifiques compliments. A quoi est-ce dû?

Les 2 joueurs en question ont le point commun d’avoir un ego sur-dimensionné. Je dirais qu'ils n'ont tout simplement pas accepté de se faire ‘owned’... Autant j'avoue que c'est toujours jouissif de se faire trash-talk par Phil Helmuth, autant je dois bien admettre que la réaction absurde de Roberto (qui s'est par ailleurs ridiculisé en m'accusant d’avoir triché) m'a mis mal à l'aise. C'est la pire accusation qu'on puisse me faire.

Tu portes le bracelet Shambala régulièrement. Ou sont les autres trophées ? Que représentent ces symboles pour toi?

Je suis plutôt du genre discret, donc je n’aime pas trop exposer mes trophées ou porter des bracelets en or. Il faut bien admettre le coté un peu  'ringard' de ces gourmettes en or qu’on reçoit lors des WSOP. Je porte le bracelet Shambala pour la simple et bonne raison qu’il me plait et qu’il ne fait pas trop "blingbling".
Ma maman est très fière de toutes mes victoires, et donc dès que je remporte un event, je lui confie mes récompenses; elle en prend soin et expose certains de mes trophées dans le salon de son appartement.

Ton surnom de génie fait l’unanimité. Edison disait “le Génie c’est 1% d’inspiration et 99% de transpiration”. Quelle serait ta définition et comment devient on génial?

Ce serait très présomptueux de ma part de faire éloge de ce qualificatif... A la base, c’est une expression que j’utilisais de manière ironique lorsqu’un joueur appliquait un play sorti de l’ordinaire... Ensuite, vu que mon poker revêt un style plutôt spectaculaire, les membres du team Winamax ont commencé à m’appeler régulièrement de la sorte, et les amateurs sur les forums et réseaux sociaux ont très vite adhéré, et le surnom est resté.
Je ne me considère pas comme étant 'un génie' mais simplement comme un joueur de cartes ayant un certain talent. Je pense détenir certaines des qualités requises pour être un bon joueur de poker en tournoi : créativité, instinct, esprit logique, empathie. Ces qualités m’ont permis de devenir un joueur complet.
Je ne me considère pas non plus comme étant 'un travailleur' au sens classique du terme, le poker étant ma passion. J'aime regarder des vidéos de tournois internationaux et scruter, analyser les mooves des uns et des autres. Je ne suis dicté que par ma passion et ne ressens aucune contrainte consistant par exemple à devoir lire certains livres théoriques ou me fier à des calculs 'savants' opérés par des logiciels spécialisés.


Ton père est à tes côtés chaque année à Végas, tu parles de ta grand mère comme de ta première fan. Le clan Kitai on sent que c’est très important. Etait­-ce facile de les convaincre de ton choix de vie: joueur de poker?

Mon père joue au poker depuis 40 ans, il m’a toujours soutenu et est très fier de ma réussite. Quant à ma famille maternelle (le clan Kawa), ça a été plus compliqué... Ils m’ont toujours inculqué des valeurs de travail et de mérite... Ça a donc mis un peu plus de temps afin qu’ils réalisent que le poker est un jeu différent des autres jeux de hasard et pour qu'ils acceptent ce choix de vie. Aujourd’hui, j’ai le soutien total de toute ma famille. Ma grand-mère ne cesse de clamer à qui veut l'entendre que je suis un génie en mathématiques et elle suit régulièrement mes résulats sur le circuit.

Tu as une deuxième famille: Winamax. On t’a vu souvent dans le rail pour semble-il analyser les coups pendant les break. Quelle part joue cette équipe dans tes résultats?

Je dois beaucoup à Winamax. Ils ont directement cru en moi alors que je n'étais qu'un débutant et de surcroit non-français!
Avec l’équipe Winamax, on a toujours beaucoup partagé. Certains joueurs ne font plus partie du team aujourd’hui, d'autres nous ont rejoins. La diversité des profils de ces joueurs a été et est encore à ce jour extrêmement enrichissante pour moi. C'est en échangeant des points de vue différents et en discutant avec des personnes ayant un profil différent du sien qu'on progresse le mieux. Winamax mutliplie ces opportunités : nos voyages à travers le circuit, les séminaires Winamax, les discussions entretenues sur notre groupe skype nous offrent à tous une interaction permanente et nous permettent de créer des liens affectifs très fort.

Quelle est ta vision du staking, et comment repères-tu les génies de demain?

Je dois bien avouer que je perds pas mal d’argent dans le staking et je me pose des questions sur la rentabilité de ce type d’investissement.
La plupart des joueurs qui sont en demande de staking sont en difficulté financière, soit en raison d'une mauvaise gestion soit en raison de gains trop peu importants.
Les meilleurs d'entre eux qui gèrent souvent mieux leur bankroll n’auront souvent pas besoin de faire appel au staking.
Il ne suffit pas d’être talentueux pour être un joueur à succès, il faut être malin dans la sélection de nos parties et il faut surtout garder les pieds sur terre dans la gestion de sa bankroll. Je pense que le staking peut devenir rentable s'il est supervisé, s'il fait l'objet d'un coaching régulier et s'il est encadré par des règles efficaces notamment en matière de limites dans la gestion de ses parties et de sa bankroll.

@Davidi Kitai sur RankingHero: http://www.rankinghero.com/davidi.kitai

Super ITW Nico,  pour le maître Jeidi du Poker  

Très belle interview !!!

Très enrichissant : questions et réponses très intéressantes.

super

the king of poker !!!

Merci encore Davidi d'avoir pris le temps de partager ça avec la communauté de RankingHero #fier

C'est clair qu'il donne envie de jouer, c'est un grand joueur. Ty Nicolas pour cet interview.

Excellente interview Davidi :)