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Comment s'est passé le jeu :) 

Depuis neuf ans, je gagne ma vie en jouant aux cartes

J'ai rencontré succès, chance, bad beats, déception, excitation et autres surprises. Ce voyage extraordinaire a changé ma vie, ma personnalité, et mon futur: j'ai commencé l'aventure étudiant et je suis toujours ici, marié et (bon) père de famille. Aujourd'hui je veux vous parler d'une main joué à un point déterminant de ma carrière et qui m'a fait prendre conscience du pouvoir de l'attitude et de la psychologie au poker.

 

EPT Londres, An de grace 2008

Nous sommes à l'EPT Londres, fin du premier jour. Mon adversaire est un pro espagnol, qui a pas mal d'ego et de failles. Une combinaison dangereuse même pour un joueur avancé. Nous avons tous deux de bons stacks, autour de 45k au niveau 150/300-50. J'ouvre au Cutoff avec 5♥ 5♦ et il sur-relance à 1600 depuis la grosse blinde. Comme nous sommes profonds je décide de payer, comptant sur la position pour me défendre contre un adversaire très agressif.

Le flop arrive : 367 avec deux piques. Il mise 2000 rapidement et je sais qu'il n'est pas du genre à ralentir facilement. Il représente soit un tirage soit une grosse paire. Dans les deux cas il a peut-être l'intention de miser 3 fois quoi qu'il arrive (je vous disais qu'il avait des failles dans son jeu...). Ce genre d'adversaire est très difficile à gérer car les erreurs coûtent très cher. Mes 5 peuvent être devant, mais la situation va empirer sur la turn et la rivière, sauf à toucher un gutshot -une perspective peut tentante en soit. Je considère le fold, mais je connais très bien mon adversaire: il joue au poker pour beaucoup de mauvaises raisons et notamment prouver qu'il est le meilleur. Ses amis viennent d'arriver pour observer et il a perdu déjà quelques coups contre moi : je pense qu'il mise ce flop à chaque fois dans ces conditions. Etant donné son large éventail de mains preflop, je suis devant très souvent. Je paye une fois. Le pot fait maintenant 7,800.

 

Photo: © Grégoire Camuzet

Photo: Gregoire Camuzet

 

Le turn est un magnifique 2♥ , ce qui place deux tirages couleurs sur la table. Après une courte réflexion il mise très petit, 2000. Cette carte est très mauvaise pour bluffer et il le sait, mais cette petite mise est trop petite pour protéger un monstre. Si je paye sec j'envoie le message que je ne veux pas jouer un gros pot, et il va sûrement saisir l'occasion pour me tester sur la rivière en misant cher. Tout bien réfléchi, la force de ma main n'est pas le facteur principal ici: il semble faible et a soit une paire moyenne soit un tirage. Dans les deux cas une forte relance est adéquate, soit pour lui couper les côtes soit pour lui faire coucher une petite main faite. De plus je ne pense pas qu'il s'agisse d'un piège car ce n'est pas son profil. Je relance à 17,000.

Là j'avoue qu'il me prit completement au depourvu : après trois minutes d'apparente torture, mon adversaire fait tapis en grimacant. 23,000 de plus pour suivre!

Dans ma tête tout se chamboule. Surprise. Doute. Peur. Excitation aussi. Dois-je risquer tout mon tournoi sur un instinct?

Dans ce genre de situation où l'analyse seule ne donne pas de réponse claire, vous devez être fort dans votre tête pour prendre une bonne décision. Bonne nouvelle: vous pouvez créer la peur chez vos adversaires du même coup en agissant avec calme et sans risquer plus de jetons. Faisons une petite pause et parlons d'abord de comment rester calme sous la pression.

 

Accepter la défaite

Les émotions sont le bruit qui vous empêche de prendre la meilleure décision. L'une des émotions les plus puissantes est la peur de l'échec- et la honte qui l'accompagne. Vous devez dépasser cette peur: le poker c'est par définition la défaite et sa gestion. En tournoi on perdra 80% du temps (minimum). Pire, quand on gagne quelque chose, c'est souvent encore plus décevant que de sauter vite, car les attentes ont grandis pendant le tournoi de façon exponentielle. C'est un fait, que vous soyez @Phil Ivey, @Davidi Kitai, ou SuperWoman (je me demande qui sortirai vainqueur d'une telle table!).

Ce point peut sembler trivial, mais mieux vaut l'accepter vite. Encore et encore, vous allez vous rendre sur un tournoi plein d'espoirs, rêver de trophée, prendre votre douche le matin (svp merci pour nous) en pensant à votre discours de victoire. Vous allez peut être même aller à la gym pour arriver plein de bonne énergie (tant mieux pour vous, veuillez prendre ladite douche APRES l'exercice, mille mercis!). Ensuite vous allez vous trouver à une table d'adversaires que vous trouverez moins bons que vous (ils pensent pareil de vous!). Après plusieurs heures ou même jours, vous allez perdre et penser que c'est injuste. Vous allez ensuite effectuer la fameuse marche-de-la-honte qui implique parfois plier les bagages-de-la-honte et prendre l'avion-de-la-honte.

Il faut l'accepter, car les défaites rendent beaucoup de joueurs -même les meilleurs- si misérables qu'ils feraient mieux de faire autre chose, quand bien même ils seraient gagnants. Le but de la vie n’est-il pas d'être heureux, et le poker (ou même l'argent) juste un moyen pour y arriver ? Si perdre vous affecte trop, changez de hobby/passion/métier (rayer les mentions inutiles). La vie est un voyage pas une destination!

 

Pourquoi jouez-vous au poker?

Bonne nouvelle, oublier la peur de perdre n'est pas si difficile. Poser vous la bonne question: pourquoi jouez-vous au poker? Cette question est au centre du livre "The Psychology of Poker" par Dr Schoonmaker, et la réponse n'est pas aussi simple que "pour gagner de l'argent". Différentes parties de vous veulent différentes choses, et c'est à vous de les écouter!

Pour moi l'argent est un bonus agréable mais je suis d'abord attiré par ce jeu pour les interactions sociales, et le challenge intellectuel de battre le hasard. J'aime aussi la liberté que le poker en tant que métier apporte. Competition et liberté. Les mots clefs à mémoriser pour me fixer les bons objectifs, mon style de jeu en table, choisir mes parties, et me préparer en fonction. Ce cercle vertueux donne confiance en soi et me permet d'arriver dans de bonnes dispositions, et de ne pas craindre la défaite.

La question "Pourquoi jouer au poker" est aussi un excellent outil d'analyse des adversaires. Nous y reviendrons dans un instant avec la fin du coup. Ce genre de questions permet aussi d'équilibrer le poker avec ses autres buts dans la vie, et réussir cet équilibre est très important et pas facile. Quand j'ai découvert le poker j'ai commencé par jouer, manger, lire les forums de poker, jouer, dormir. Je me réveillais à mon bureau avec le bordel céréale de la veille devant moi, la souris toujours dans ma main, et le soleil déjà en train de baisser! La partie compétitive en moi était heureuse et je progressais à grande vitesse, mais une autre part de moi avait le moral dans les chaussettes et je perdais de l'amour propre chaque jour. Heureusement j'ai fini par sortir de cet état et me suis j'ai vite retrouvé le chemin des pistes de danse (désolé les filles).

 

Photo : © Huges Fournaise

Photo: Hugues Fournaise

 

Une fois que j'avais une bonne vie en dehors des cartes, quand je perdais, ce n'était pas comme si mon monde entier s'écroulait. J'ai toujours été conscient de la chance que j'ai de vivre de ma passion et je ne suis pas dans le besoin: j'ai du recul dans la défaite. D'un autre côté, j'ai ensuite eu parfois le problème inverse. Pendant une période je ne tirais pas d'enseignement de mes échecs, et je n'arrivais pas aussi bien préparé que je le devais, car perdre ne me faisait pas (trop) souffrir, et parce que mes objectifs étaient trop peu ambitieux. J'ai toujours senti que j'avais un pied sur le frein et il ce n'est que grâce à une réflexion sur moi-même que j'ai réalisé comment trouver le bon équilibre.

Grâce à Winamax Stéphane Matheu, j'ai pu travailler sur le mental et réaliser que je protégeais mon ego surdimensionné (coupable) en ayant toujours une excuse sous le coude. "Si je m'étais bien préparé je les aurai défoncé, au fond je suis quand même le meilleur...". C'était un de ces moments "Eurêka", et j'ai pu analyser ça tranquillement, réaliser que tout était lié à la peur de tout donner et d'échouer quand même. Bref: je fais désormais attention à la partie compétitive en moi, m'assure d'avoir des objectifs à la hauteur, tout en prenant soin de ma partie sociale, libre. Depuis c’est net: de meilleurs résultats, et plus de bonheur.

Retournons à la table, dois-je payer ou passer?

 

Se sortir de la décision

J'ai un petit truc pour m'aider à penser rationnellement quand la pression est élevée et que les émotions fusent. Je prétends être Phil Ivey (ou Davidi ou SuperWoman, c'est vous qui voyez!). Que feraient-ils à ma place? Cela me donne une grande clarté d'esprit et souvent la solution apparaît évidente. cela me permet d'être patient quand au fond je suis frustré, ou au contraire d'avoir du courage quand je n'ai pas envie de sauter. Ce n'est pas parfait mais en général cela donne de bien meilleures décisions que ce que j'ai envie de faire.

Ici les enjeux sont grands sur un tournoi majeur, et pour tous mes jetons. Même si j'ai raison et qu'il semi bluffe, je dois éviter beaucoup de cartes sur la rivière. Je refais le coup dans ma tête pour voir s'il peut avoir un brelan ou une paire d'As. Me met il sur un tirage et protège t-il une main moyenne qui me bat? Ce jour-là, je n'ai pas peur de perdre, ni même d'avoir l'air ridicule (parce que franchement s'il montre quinte flopée et que je page avec 55 ici, je ne vais pas avoir l'air très malin). Ce jour-là je ne laisse pas non plus l'ego me pousser à tenter le coup superbe (un problème qui me poursuit depuis mes débuts affectueusement appelé par ManuB (@Manuel Bevand) "Tricky Nick"). Je prends mon temps pour trouver la meilleure décision possible, bonne ou mauvaise.

 

Etre une machine à gagner, à l’intérieur et à l’extérieur

Pendant ce temps de réflexion, je fais quelque chose que je ne vois pas souvent les autres faire et qui est pourtant si simple: je réfléchis en silence, et je ne montre pas que je souffre. Trop de joueurs pensent que parce que l'adversaire n'a plus de décision à prendre, ils peuvent se relâcher. C'est faux: si j'ai l'air ennuyé, que je transpire, montre que c'est une décision difficile, je vais perdre du crédit important à la table. Si je passe, les gens me supposeront en tilt et ils auront peut-être raison! Si je paye après maintes grimaces, même si j'ai bon, on pensera que je suis juste incapable de passer et que j'ai eu de la chance cette fois-ci. En termes d'image en table, et pour inspirer la crainte pour gagner des coups faciles par la suite, c'est très mauvais! Donc je reste de marbre. Je regarde lentement le pot, puis mon regard se porte sur mon adversaire, le dévisageant lentement. Je compte mon tapis très calmement. Cette attitude me permet aussi de rester calme à l'intérieur et à retenir les émotions.

Sur le papier, c'est très proche, la solution ne vient pas, mais alors que le temps passe mon adversaire semble de moins en moins à l'aise. je finis par décider que la balance penche vers le call, même s'il n'y a aucun moyen d'être sûr. Je pousse tranquillement mes jetons dans le pot et retourne ma main immédiatement comme si j'étais désormais certain de gagner...

 

Ship It

Bonheur, cette fois ci, c'est la bonne décision. Il montre A♥ J♥ pour un tirage couleur trouvé à la turn. La rivière est (ouf) une carte quelconque et j'ai ramassé l'énorme tas au milieu comme si c'était normal et que cela m'arrivait tout le temps. Le reste de la table était sous le choc.

La main est intéressante en elle-même : une petite main faite, transformée en bluff, pour finir par payer un tapis! La clef ne fut pas la technique, mais la capacité à rester calme sous la pression, à la fois pour moi-même et pour envoyer un message important: peu importe la difficulté du spot dans lequel vous me mettrez chers adversaires, je sortirais toujours des décisions de qualité pour m'en sortir et vous ne me ferez pas souffrir. Si j'avais eu tort d'ailleurs, ou si la rivière avait fait rentrer son tirage, je serai resté tout aussi calme (ou presque). Cette attitude est optimale dans tous les cas pour votre réputation: tant que vos adversaires vous voient comme une machine à gagner, c'est que ça doit être vrai, n'est-ce pas?

Plus tard dans le tournoi, j'ai sauté. Cela semblait injuste et ça a piqué un petit peu. Pas trop non plus parce que j'ai pris du plaisir pendant le tournoi, et parce que j'ai de belles personnes autour de moi. J'ai apprécié leur compagnie ce soir-là, et ne leur ai même pas raconté les détails inintéressants de mon élimination. Le jour suivant j'ai pris mon avion-de-la honte et je me suis préparé pour de nouvelles aventures!

 

À bientôt sur le circuit! @Nicolas Levi

 

Retrouvez ici les resultats complets du tournois EPT Londres 2008

10 Comments Display all

Merci pour vos commentaires! 
lol @Sebastien Coriat les brags c'est comme le bon vin ca mature avec l'age
@Olivier Demabre Tricky Nick sacré alter ego qui m'en a couté des pots!
@Teo Durand tu peux filtrer ta page d'accueil et choisir "post" ou "blog" pour ne voir que des messages RankingHero. Très pratique pour suivre l'activité du site!

lol c quoi ce mail "Nicolas Levi parle de vous" : )? Me suis dit que ça y est j'étais une star :-D
merci d'avoir répondu mec je vais tester

Très interessant, merci.

 

dur dur cette variance :(

;)

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